Et si on consommait français ?

8 juillet 2019

Et si on consommait français ?

Une fois de plus, un énième scandale alimentaire vient salir la réputation de toute une filière et semer le doute sur le contenu de nos assiettes.
Un scandale qui vient s’ajouter à une liste déjà bien fournie et qui prend désormais des allures d’inventaire.
Après les lasagnes au cheval, la viande arrivée frauduleusement de Pologne, voici celui des faux steaks hachés – provenant une fois encore de Pologne – distribués aux plus démunis via des associations caritatives.
Les responsables ? Ce sont toujours les mêmes : des individus sans scrupules, des « traders » de la viande, prêts à tout pour s’en mettre plein les poches.

En opposition à cela, à des années-lumière de ces steaks hachés de la honte, nous, artisans bouchers, faisons notre travail honnêtement et dans les règles de l’art.
Chez nous, le steak haché est composé à 100% de viande, issu de races sélectionnées spécifiquement là encore pour leur viande (limousine, aubrac, blonde d’Aquitaine, salers, parthenaise…)
Chez nous, le steak haché est préparé à la vue et à la demande de nos clients.
Pour rappeler ces éléments qui peuvent sembler anodins, mais qui sont ô-combien essentiels, j’ai demandé aux services de la Confédération de créer une affiche à destination des clients des boucheries artisanales et que vous retrouverez dans le prochain numéro de La Boucherie Française en deux exemplaires.
Je vous invite à les placarder sur votre vitrine et dans votre magasin.

Enfin, après avoir demandé un rendez-vous au ministre de l’Agriculture pour aborder ce sujet, je m’adresse aux élus et hauts fonctionnaires qui nous lisent attentivement tous les mois. Il est grand temps que les choses changent.
Les artisans bouchers-charcutiers sont excédés de voir toujours les mêmes brebis galeuses entacher la réputation du noble produit qu’est la viande, la vraie, la bonne, celle qui fait la fierté de nos terroirs et de notre culture.
Ce scandale n’est pas le premier et ne sera pas le dernier si aucune décision forte n’est prise.
Je pose ouvertement la question : qu’attend-on pour mieux contrôler la viande au niveau européen ?
Si les ambitions du Premier ministre à ce sujet, affichées lors de sa déclaration de politique générale, vont dans le bons sens, il est néanmoins urgent d’agir.
S’agissant des appels d’offres, la réglementation est toute aussi aberrante. Elle doit être modifiée, et vite. Il est grand temps que la qualité du travail et du produit prime sur le prix bas.

Mesdames et messieurs les élus, trouvez-vous normal qu’un artisan boucher n’ait pas le droit de servir son voisin restaurateur en viande hachée ?

Il est grand temps de faire de l’alimentation une priorité et d’arrêter de la considérer du seul point de vue macroéconomique, ce qui vaut également dans le cadre des traités internationaux où on ne peut tolérer que des viandes produites dans des conditions radicalement différentes aux nôtres (exploitations de 30 000 bêtes, engraissées de manière industrielle aux antibiotiques activateurs de croissance) nous menacent.
A ce sujet, la récente conclusion d’un accord de libre-échange entre l’Union européenne et le Mercosur (Brésil, Argentine, Uruguay, Paraguay) permettant notamment l’importation de 99 000 tonnes de viandes bovines sud-américaines imposées au taux préférentiel de 7,5%, est tout simplement scandaleuse.
Cet accord va non seulement à l’encontre des attentes sociétales des consommateurs mais s’annonce désastreux pour nos partenaires éleveurs auxquels nous adressons notre soutien inconditionnel. Un sacrifice réalisé en partie au profit des industriels européens de l’automobile qui vont voir fondre leurs droits de douane.
Il enterre définitivement les promesses des Etats généraux de l’alimentation et avec elles, l’espoir d’une alimentation saine, durable et accessible à tous.

Aujourd’hui scandale du bœuf polonais, demain scandale à la fois du bœuf polonais et du bœuf brésilien ! Et si on consommait français ?

Jean-François Guihard, président de la Confédération Française de la Boucherie